Savoir faire, Vivre HCM

L'affinage

11/22/2021

Ce matin, je me suis aventurée dans les marais de la Pointe d’Arvert. Je me suis perdue au milieu des bassins, entre terre et mer, au milieu de la brume. Le vent peinait à dégager l’horizon et les haies disparaissaient dans les ombres cotonneuses.

L’objet de ma quête ? L’établissement de Fabien , un jeune ostréiculteur au parcours atypique, dont les bassins recèlent, de petites merveilles.

La cordialité de l’accueil de Fabien et son café (il faut bien l’avouer) réchauffent rapidement l’atmosphère résolument humide de ce climat… vivifiant. Autour d’une tasse de ce revigorant breuvage, Fabien retrace pour moi son arrivée dans l’ostréiculture.

Contrairement à la plupart des ostréiculteurs, Fabien n’est pas un fils du métier. Sa vie professionnelle a bien commencé avec la mer, mais au grand large, dans la marine marchande. Un petit tour dans l’armée plus tard, en quête d’un nouveau défi, il a osé l’impensable : se lancer dans le pari d’une installation. Fils du métier, non, mais ce dernier ne lui est pas inconnu : Fabien a déjà expérimenté l’élevage ostréicole avec l’aide de son père. Il achète sa première cabane, les premiers clients sont conquis par son travail. Intransigeant sur la qualité de ses huîtres, il conquiert rapidement de nouvelles papilles. Très vite, les locaux se révèlent trop exigus pour lui permettre de faire face à la demande grandissante. Son installation sur une exploitation de 24 hectares de claires lui permet de déployer son savoir-faire, de parfaire ses techniques.

Nous poussons à nouveau la porte de la cabane. La brume s’est un peu levée et je distingue désormais les bassins : les fameuses claires. Fabien m’entraîne sur les chemins qui les séparent. La terre colle à nos bottes. « C’est normal , m’explique-t-il : les claires sont creusées dans l’argile et délimitées par des murets de vase, les abotteaux. »

À chaque marée, l’eau de mer pénètre dans le marais. L’ostréiculteur dispose d’un système de tuyaux, par lequel il règle le niveau d’eau de mer dans ses claires. Cette eau décante (les impuretés se déposent sur le sol) et devient claire, donnant ainsi leur nom à ces bassins.

Sous la surface calme de l’eau, on devine les silhouettes des casiers d’huîtres. Après être allé chercher ses huîtres en mer, Fabien les a déposées au fond des claires : c’est l’affinage. Cette étape n’est pas obligatoire, mais elle permet de développer des particularités gustatives, propres aux huîtres fines de claires et spéciales de claires. L’appellation fine ou spéciale dépend du temps d’affinage, de la densité d’huîtres au m² et du taux de chair. La faible densité assure à chaque huître l’accès à toute la nourriture dont elle a besoin pour parfaire sa croissance. Une huître fine patientera un à deux mois au fond de l’eau, tandis qu’une spéciale restera immergée pendant deux à quatre mois.

Ce temps d’affinage apporte une valeur ajoutée incontestable au produit, qui permet à l’ostréiculteur de valoriser son produit. Plus de temps à patienter pour déguster implique un prix de revient plus élevé. Mais Fabien m’apprend que cette technique présente un inconvénient non négligeable : la mortalité des huîtres affinées est plus élevée que la moyenne des autres huîtres. En consacrant une partie de sa récolte à l’affinage, l’ostréiculteur prend donc une forme de pari.

Fabien me précise que l’entretien des bassins est primordial pour un affinage réussi. Tous les ans, à la fin de l’hiver, les claires doivent être creusées pour qu’elles ne se comblent pas. Les sédiments retirés sont disposés sur les abotteaux, puis le sol est égalisé. Pendant plusieurs mois, la claire restera ainsi asséchée. La vase, en séchant, va durcir et se craqueler, se fendiller sous la chaleur du soleil et l’action du vent. Les parasites et certaines algues qui, en se développant, perturberaient l’oxygénation des huîtres sont ainsi naturellement éradiqués, avant la remise en eau des claires.

Tout en parlant, Fabien, chaussé de ses grandes bottes (pas de 7 lieues…) est descendu dans une claire : la profondeur de l’eau atteint une quarantaine de centimètres. Il a remonté un casier. Il dépose quelques huitres dans l’herbe, sort son couteau de sa poche et ouvre l’un d’eux. Il écarte délicatement la chair de la pointe de son couteau… Quelle surprise ! L’huître présente une resplendissante couleur verte !

Fabien me raconte que, loin d’être d’origine extraterrestre, la couleur verte provient d’une algue microscopique, la navicule bleue. Imprévisible, cette diatomée apparaît dans certains bassins, à certaines périodes de l’année, sans que rien ne laisse présager sa présence. Elle disparaît de façon tout aussi impromptue. Ainsi, la claire dans laquelle Fabien vient de prélever l’huître accueille cette microalgue, alors que les bassins voisins ne sont pas colonisés. En filtrant l’eau contenant la navicule, l’huître la retient dans ses branchies. Le jaune des branchies et le bleu de la marennine (le pigment produit par l’algue) confèrent à l’huître cette étonnante couleur vert émeraude !… et en font une huître recherchée et prisée des amateurs !

Place à la dégustation ! Fabien a concocté pour moi un assortiment : quelques fines, à la chair ferme et légère au goût de mer encore présent, mais adouci par l’eau de la claire, des spéciales, charnues et croquantes, moins salées et surtout, la fameuse huître verte et son goût léger et iodé ! Quel régal ! N’hésitez pas : succombez à la tentation des Huîtres Charente Maritime HCM. Véritable expression de la passion et du savoir-faire des ostréiculteurs, elles ont tout pour plaire !

huîtres charente maritime - affinage

#Vivre

Les ostréiculteurs chérissent leurs huîtres plus que tout, c’est pour cela qu’elles sont toujours exquises. Parce qu’au-delà du négoce qu’ils en font, elles incarnent l’histoire de leur territoire, des traditions familiales, la pratique d’un métier au contact permanent avec la nature. Les étapes de l’élevage n’ont aucun secret pour eux, et ce, depuis la prime enfance. Tout jeunes, leurs parents les ont emmenés en mer sur l’estran et dans les marais pour leur montrer comment retourner les poches dans les parcs et leur apprendre le maniement des outils.